L'activité toilière du lin et du chanvre... VOIR Wikipédia
Le lin est en Bretagne une culture de printemps, semé traditionnellement aux alentours de la Saint-Georges () ; il fleurit aux environs de la Saint-Pierre (sa fleur, couleur bleu lavande, ne dure guère plus d'une journée) et il est prêt à être récolté vers le . C'est une plante qui a besoin de beaucoup d'eau pour croître et qui aime des terres légèrement acides.
- L'égrenage : la récolte des capsules de lin se fait grâce à un peigne à égrener aux dents en fer longues et serrées.
- Le rouissage : le lin en gerbes est plongé dans de l'eau pour une durée d'environ une semaine ou un peu plus pour dissoudre la gaine qui entoure la fibre sous l'action des micro-organismes contenus dans l'eau. Parfois on se contentait d'étendre les gerbes de lin sur un pré, où elles étaient alors exposées à la pluie et à la rosée.
- Le teillage : les tiges de lin sont broyées dans des braies à lin pour être séparées de la chènevotte (bois situé au cœur de la tige de lin) et transformées en filasse. Un autre outil parfois utilisé pour le teillage est la macque.
- Le peignage : opération qui consiste à démêler la filasse grâce à un peigne à peigner le lin (brosse avec des dents en fer).
- Le filage : travail dévolu aux femmes et aux jeunes filles, la filasse est filée à l'aide de rouets (les fils cassés ou de mauvaise qualité sont transformés en étoupe).
- Le blanchiment : il s'effectue dans des kanndi ou "maisons à buée"22, implantés généralement à proximité d'un cours d'eau mais à l'écart des habitations en raison des odeurs, avec une cheminée à l’un des pignons, une ou deux portes et parfois des fenêtres, consacrés au blanchiment du lin. « Un kanndi se présente sous la forme d'une petite bâtisse couverte de gled (chaume, genêt) ou d'ardoises. Il est construit avec les matériaux trouvés sur place : schiste, moellons »14. À l'intérieur se trouve un douet où les fibres de lin étaient mélangées à de la cendre, étaient foulées dans d’immenses auges en granite (cuve de buanderie), parfois mais plus rarement en bois, disposées le plus souvent à l’autre pignon, près de la cheminée indispensable pour chauffer l'eau. On en voit encore quelques-uns dans la campagne plounéourienne23, au village de Resloas par exemple qui en comptait trois au début du XIXe siècle. 330 kanndi ont été recensés dans le Pays de Landerneau-Daoulas (il en existait aussi ailleurs, à Kergrenn en Saint-Urbain, à Kerloussouarn en Dirinon, à Tromelin et Kerjestin en Tréflévénez, à Leslurun et Kergoat au Tréhou, à Botlavan en Ploudiry, etc.) et près de 230 kanndi dont des traces subsistent ont été recensés sur les trois communes de Plounéour-Ménez, Commana et Sizun. Cette activité s'effondra lors des guerres de la Révolution française et de l'Empire, en partie à cause du Blocus continental.
Alimenté par l'eau d'une source, un douet servait à rincer le fil. Les dalles de schiste appelées "repamoirs" permettaient de reposer les écheveaux. Après une journée passée dans le kanndi, le fil était rapporté près de la maison. Il y était étendu sur le courtil et le soleil poursuivait le blanchissement durant 15 jours. Le cycle était répété de 6 à 9 fois et il fallait plusieurs mois avant d'obtenir un blanchissement correct. Un kanndi pouvait ainsi blanchir chaque année assez de fil pour fabriquer une centaine de toiles d'environ 120 mètres de long et de 0,90 m de large.
- Le tissage : les fils de lin étaient préalablement enroulés sur des ourdissoirs (ou ourdoirs) pour obtenir un ballot de lin prêt à être tissé. Le tissage était pratiqué dans les fermes, comme complément au travail agricole; il faut travailler dans une atmosphère humide pour conserver au lin sa souplesse et ce travail était aussi bien effectué par les hommes que par les femmes.
- Les toiles de lin ainsi obtenues étaient dénommées crées dans l'évêché de Léon : pour pouvoir être vendues sous cette appellation, elles devaient être contrôlées par le "bureau des toiles" de Landerneau, classées par catégories et estampillées par un sceau garantissant leur qualité; les pièces défectueuses, trop courtes, etc. étaient refusées et leurs fabricants condamnés à des amendes.
- les buandiers, nombreux à travailler dans les kanndi.
- les fileuses (métier essentiellement féminin)
- les tisserands ou texiers
- les teinturiers
- les plieurs de toile (métier important car les plieurs de toile ont la responsabilité de plier la toile selon la règle, au risque sinon de voir la toile être refusée lors des contrôles).
- les ourdisseurs (qui réunissent les fils d'une étoffe pour les tendre avant le tissage)
- les dévideuses
- les peigneuses
- les lamiers (ouvriers qui préparent les lames d'or et d'argent pour les étoffes)
- les emballeurs ou pacqueurs (qui mettent en balle les toiles et les recouvrent pour les protéger, avant de lier les paquets)
- les fabricants (qui sont en fait les donneurs d'ordre, pour le compte desquels travaillent les autres professions).
- etc.
C'est la culture et le tissage du lin et du chanvre qui a permis la construction des enclos paroissiaux24. Les revenus paroissiaux quadruplent à Saint-Thégonnec entre 1612-1613 et 1697-169825.
Pendant des siècles, les paysans ont cultivé lin et chanvre en Bretagne et en ont fabriqué des toiles à l’usage domestique et agricole. Vers le XVe siècle, une industrie de la toile s’est progressivement mise en place : la manufacture des créées du Léon (la créée était le nom de la pièce de toile). Le fil est blanchi avant la confection des toiles. Il suffit pour cela d’une buanderie de la taille d’une petite maison. En breton, on lui donne le nom de "kanndi" qui se traduit littéralement par "maison à blanchir". Quelques-uns de ces kanndi ont survécu jusqu’à nos jours au prix de diverses transformations. Le kanndi le mieux conservé est celui kanndi du Fers à Saint-Thégonnec, restauré en 1996, mais sept autres kanndi se trouvent dans un rayon de 500 mètres autour de celui-ci.
Pendant deux siècles, on a roui le fil de lin à l’eau tiède dans ces cuves après l’avoir enduit de cendres de hêtre. Le rinçage se faisait dans le canal en pierre de schiste qui traverse le bâtiment. Le blanchiment continuait au soleil. L’opération était renouvelée plusieurs fois. Il fallait au total trois mois pour livrer un fil suffisamment blanc pour être tissé26.
La commune de Saint-Thégonnec s'est enrichie grâce au marché du lin, florissant entre le XVe et le XVIIIe siècle, donnant naissance à une véritable caste paysanne, les juloded. Les cultures se faisaient sur la commune, puis le lin était exporté par le port de Morlaix. Plus généralement, le lin était cultivé par les paysans dans le nord du Léon puis tissé dans le sud. Après le tissage, les toiles pouvaient enfin être chargées sur des navires en partance pour l'étranger. Les marins anglais venaient dans les ports acheter ces toiles de lin. De nombreuses familles se sont alors enrichies et ont participé à la construction de l'église. Mais la décision politique prise par Colbert de taxer les toiles de lin anglaises stoppa la prospérité de l’ouest breton.
« Saint-Thégonnec est un peu le bouquet final de l'art des enclos. (...) D'abord sans doute parce que Saint-Thégonnec a été la paroisse la plus riche à l'époque de la prospérité des toiles de lin. Et puis cette prospérité s'est prolongée plus longtemps qu'ailleurs, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Alors cela explique que les paroissiens aient pu plus longtemps embellir, agrandir, rehausser leur église pour la mettre tout simplement au goût du jour. Il suffit de voir qu'elle a deux clochers. D'abord une flèche gothique, qui s'est trouvée démodée au bout de quelques années. Alors, à ce moment-là, au début du XVIIe siècle, les paroissiens ont construit une grande tour avec un dôme Renaissance »27.
Des "paysans-fabricants-marchands", par exemple Guillaume Keromnes, de Mezavern, étant semblable à celui des juloded du Haut-Léon voisin. En régression pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle (on recensait encore 10 marchands de berlingue à Irvillac en 1797), la fabrication de berlingue et de bure semble avoir disparu pendant la première moitié du XIXe siècle14.
Depuis le règlement du , l'activité du "bureau des toiles" de Landerneau est strictement réglementé : deux inspecteurs marchands assurent le contrôle des crées, aidés par un commis préposé à l'apposition des marques dont les coins sont changés chaque année le . Les toiles trouvées conformes sont marquées et mises en vente le jour même dans les halles. Les pièces jugées non conformes peuvent l'être pour des causes très diverses : trop courtes, insuffisamment larges, pas assez blanches, de trame irrégulière ou pas assez serrée, faite de fils inégaux, ou toute autre cause.